mai 19, 2006

Matt Broersma

C’est en préparant le troisième volume d’Insomnia, que Matt Broersma nous fait part de sa passion.


" Les trois premières parties se complètent, et la partie que je prépare sera le grand final. Il se peut néanmoins qu’il n’en sera pas ainsi. Je me représente ces parties comme un triptyque. À la place d’une histoire qui se déroule en série, chaque volume est une histoire complète. Les personnages se superposent ou se mêlent, sans que cela ne devienne très compliqué ; les parties sont essentiellement liée par l’humeur et par l ‘état d’esprit des personnages. Les histoires sont inédites. J’improvise au gré de l’inspiration du moment.

À mes débuts, j’essayais une approche plus stricte et programmée. Le modèle standard universellement accepté aux USA dans l’industrie de la BD. Mis au point par DC comics dans les années ’30, il s’agit d’une méthode fordienne. On utilise un format type, avec des marges et des bords pré-imprimés en bleu ; les auteurs sont sensés utiliser un pinceau particulier, le Windsor-Newton Série 7 No.2. Les tâches sont imparties comme dans une chaîne de montage, une personne pour le script, une pour les dessins, une pour les couleurs, un lettreur.
Ce modèle, qui n’est plus suivi systématiquement, reste le modèle standard.
Je pensais au début que le modèle standard était le meilleur compromis : j’ai rédigé le script, utilisé les bonnes feuilles et le bon matériel. Je voulais créer un mini-feuilleton, du genre qui est publié par les gros éditeurs de nos jours, appelé BD alternative : quatre ou cinq épisodes. Gros plans, arrière plans, personnages, attitudes, caractères, personnalités… Arrivé à mi-chemin, j’abandonne. Cette partie est efficace s’il y a lieu par la suite de remplacer ou d’interchanger les artistes, comme des pièces de rechange, mais ça n’est pas très agréable.
J’ai changé d’approche et maintenant je laisse une bonne partie au hasard. Je prépare l’esquisse de toute l’histoire avant de la dessiner. Dans le passé, je faisais ce travail panneau après panneau, comme quelques histoire qu apparaissent dans Détour (éd. Coconino Press / Vertige Graphic). Il arrive aussi de changer sans cesse les versions définitives.
Le brouillon est probablement le stage le plus important du point de vue de l'écriture. Quand je rédige un brouillon, je n'ai aucune idée de comment l'histoire va se terminer; s'il en était autrement, je n'y trouverai aucun intérêt. Quand j'arrive aux pages finales, la rédaction est presque terminée, et mon intérêt se porte sur le dessin. En vérité, les histoires ne sont là que pour me donner une raison de dessiner. Bien sûr, l'histoire se doit d’être conçue pour convenir aux dessins, raison pour laquelle je n'ai pas essayé de travailler avec un autre auteur auparavant. Mais je n'exclus pas de le faire plus tard, cela pourrait s'avérer bien intéressant.

J'utilise le format d’histoires déconnectées (interrompues) pour chercher d'autres mises en pages et pour essayer des techniques de dessin différentes. Les deux premières éditions ne se ressemblaient pas beaucoup, et la troisième ne ressemblera pas aux deux précédentes. La première se déroule en grande partie au Mexique, la seconde à New York, et la troisième ailleurs. Mais elles sont toutes liées entre elles: je suis intéressé de savoir comment vous allez regarder des choses selon toute apparence sans rapport, puis trouver les rapports enfouis sous la surface.
Le format est fort intéressant. Franchement, je ne pense pas être capable de faire une histoire de la même manière si ce devait être un volume (livre) unique. Je pense que chaque numéro est une entité à part entière, même si les numéros seront rassemblés en un seul volume plus tard. D'une part, cela peut devenir une restriction car ça m'empêcherait d'écrire une histoire longue et continue; d’autre part ça m'a permis de jouer librement avec les différentes méthodes et les différents matériaux. Les numéros n'ont pas à être cohérents ou à raconter la même histoire. Personnellement, je vois cette diversité comme étant le caractère distinctif de la collection (Ignatz), ce qui m'incite à utiliser une variété de méthodes et à me pousser dans des directions différentes. J'aime expérimenter ".

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